L’euthanasie des handicapés sous le III ème Reich.

« Un historien allemand lève le voile sur la politique d’euthanasie sous le III ème Reich ». C’est sous ce titre que la revue La Vie du 02 octobre 2014 traitait d’« un meurtre de masse méconnu ».

Entre 1939 et 1945, dans l’Allemagne nazie, 200.000 handicapés physiques et mentaux furent exécutés… Aux yeux des dirigeants du III ème Reich, il s’agissait d’ « existences superflues ».

Lever le voile, c’est précisément ce à quoi s’emploie Götz Aly, historien allemand dans l’ouvrage : Les Anormaux. Leur vie était indigne d’être vécue. Flammarion, 22 €. « L’ouvrage de Götz Aly vient combler un vide. Il donne la parole aux victimes – ou du moins tente de les faire exister en donnant leurs noms et les circonstances de leurs morts ».

Dès 1935, une loi de stérilisation des porteurs de maladies héréditaires, handicapés mentaux, physiques et autres « asociaux » fut promulguée. Elle concerna 350.000 allemands.

À partir de 1939 le chef de la Chancellerie, Philipp Bouhler, fut chargé de planifier l’extermination des malades mentaux. L’objectif ne fut plus seulement d’empêcher les « tarés congénitaux » de se reproduire, mais de les éliminer. Le gazage des « idiots », en réalité déjà entamé dans certaines régions du Reich, fut généralisé. On pratiqua l’avortement forcé des enfants de couples « dangereux », on euthanasia les handicapés, physiques et mentaux, on élimina les enfants mal formés ou frappés de mongolisme. Toutes ces politiques entraînèrent la mort de plus de 200.000 allemands.

Depuis quelques décennies en Europe et en Amérique du Nord, l’idée d’éliminer les « dégénérés » faisait son chemin. À la fin du XIX ème siècle, les travaux de Darwin sur la sélection naturelle au sein du règne animal furent utilisés par quelques savants pour penser à nouveau frais ce qui se jouait dans l’espèce humaine. Certains en vinrent à regretter que les progrès médicaux permissent aux plus faibles d’être préservés. Ainsi Francis Galton, un cousin de Charles Darwin, théorisa l’eugénisme. Selon lui, il était nécessaire de sélectionner les individus destinés à se reproduire pour éviter la décadence de la nation.

Plusieurs méthodes d’exécution furent employées… Les corps, ensuite, brûlaient dans les fours crématoires.

Dans le même temps, la philosophie de Nietzsche (mort en 1900), source d’inspiration majeure pour les idéologues nazis, faisait l’éloge des forts au détriment des faibles.

Le drame de l’euthanasie des handicapés n’est pas seulement celui d’un État criminel, c’est aussi celui d’une société passive, sinon consentante. À quelques exceptions près, le peuple allemand ne s’y opposa pas. Le régime nazi mobilisa tous les moyens de sa propagande pour persuader les allemands de la nécessité de cette politique.

L’apathie de la société allemande a aussi une autre explication : la discrétion. Tout au long de la guerre, ce qui se jouait véritablement dans les « maisons de santé » du Reich fut caché. Ainsi n’étaient-ils pas troublés dans leur bonne conscience.

Cependant quelques-uns se levèrent pour dénoncer ce qui avait lieu.

Au mois de juillet 1941 l’Église catholique sembla décidée à entamer un bras de fer avec le Reich. Tous les évêques allemands signèrent une lettre pastorale commune, lue dans toutes les paroisses, qui condamnaient sans ambiguïté l’euthanasie des handicapés.

Pour autant 100.000 personnes devaient encore être éliminées par les services médicaux du III ème Reich de 1941 à 1945.

Comment l’Allemagne d’aujourd’hui regarde-t-elle ce passé ? Pour Götz Aly, « l’intérêt et les attitudes sont en train de changer sensiblement ». Après avoir longtemps été gardée sous le boisseau, la disparition orchestrée d’une humanité considérée comme indigne de vivre interpelle la mémoire allemande.

Des noms longtemps oubliés refont surface. Les « anormaux », peut-être, tiennent leur revanche. Leur souvenir n’a pas entièrement disparu dans la fumée des fours crématoires.

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